- La névrose comme SOS de l’âme
Cette vision originale de la névrose appartient en propre à la psychologie de Jung, et elle a le grand mérite de ne pas couper l’humain en souffrance (névrose) de sa part de spiritualité (son Ame). De notre mieux, nous avons évoqué les différents besoins de l’égo et de l’Ame en ce petit ouvrage, tant au plan de l’individu que de l’humanité en tant qu’être planétaire. Il reste à tenter de conclure sur un mode que nous souhaitons original tout autant que rassurant pour le plus grand nombre. En effet, si l’on donne du crédit à l’idée que nous possédons au plus profond de nos cellules les infinies potentiels qui font de nous un reflet, une épure de divinité (de l’absolu, de la Source ou du Soi…), il peut devenir tentant d’orienter son comportement pour mieux nourrir nos besoins profonds. En d’autres termes, notre existence* peut raisonnablement choisir de se lier à notre essence* et de la mieux servir.
Toutefois, en chemin, il serait naïf d’ignorer nos obstacles, nos conflits, et les innombrables souffrances qui confirment, si besoin était, notre état d’imperfection dans l’incarnation et le quotidien… Plutôt que de considérer les névroses comme des pathologies issues seulement des profondeurs obscures et complexes de notre cave freudienne, notre subconscient, une autre lecture devient possible : et si la névrose était l’une de nos meilleures amies ? Et si elle était la meilleure option possible pour survivre et donc pour ne pas céder à l’extrême (se donner la mort ou la donner à celui ou celle qui selon nous le mérite).
Cette optique rejoint celle d’Otto Rank, un psychologue contemporain de Freud, bien trop peu médiatisé en faculté selon nous, et qui répétait que la névrose est un oui-mais. Selon lui en effet, dire simplement oui, c’est se ranger dans le grand troupeau des gens manipulés par le système social et politique. A l’opposé, dire non, c’est céder aux pulsions de mort et donc à l’autolyse (suicide) ou au meurtre. Cette option étant le plus souvent inenvisageable (et interdite pour ce qui est du crime, rappelons-le !) Rank pose la troisième option comme la plus courante et la plus conformable : c’est le oui-mais de la névrose. Il fait de nous des êtres adaptés donc capables de demeurer socialement corrects, mais bien entendu aussi, des êtres imparfaits donc souffrants. Il reste qu’aborder le malaise psychologique sous cet angle offre bien des intérêts : cela neutralise tous les pas de chance ou les pauvre de moi, attitudes trop souvent entretenues et permettant d’échapper à tout principe de réalité et donc de responsabilité porteuse de changement. Cela confirme aussi que nos névroses jouent le jeu de béquilles, voire de prothèse sur-mesure et que comme telles, il est raisonnable de les considérer avec respect et bienveillance. Elles nous sauvent effectivement la vie et celle de nos prétendus ennemis ! Elles nous offrent des opportunités d’évolution dès lors qu’elles deviennent nos miroirs et nous parlent bien entendu de nos besoins et de nos frustrations…
Mais les besoins de l’Ame sont-ils pour autant entendus et pris en compte lors des processus d’autoanalyse ou d’accompagnement en psychothérapie ?
Les comportements humains : reflets déformés de l’Ame ?
Voici une courte approche offrant à chacun une opportunité de mieux réfléchir face à son miroir. L’idée centrale, pour nous comme pour Jung et tous les philosophes ou spiritualistes évoqués en cet ouvrage, est que le moi est le pâle reflet du Soi. En d’autres termes l’égo, la personnalité, est le reflet déformé de l’Ame et tout processus d’évolution, on l’aura compris, consiste à supprimer les causes de cette déformation[i]. Mais nos névroses et nos souffrances peuvent parfaitement se décoder comme autant d’altérations de valeurs spirituelles. Dans cette nouvelle perspective, toutes les formes de culpabilité ou de dévalorisation s’effondrent, la mésestime de soi consécutive à telle névrose disparaît, devient totalement absurde : A nous d’étudier ces propositions attentivement, sur le mode platonicien peut-être, comme autant d’ombres portées sur les murs de notre propre caverne[ii], et d’en sourire avant de s’en distancier comme autant de mirages et illusions, une fois encore parfaitement égocentrées…
Reflets (déformés et limités) qui sont expérimentés dans le monde personnel du moi | Valeurs de l’Ame (le Soi) plus ou moins reflétées dans la personnalité (le moi) |
Relations sexuelles, libido | Principe universel d’attraction ; magnétisme qui s’exerce entre toutes les polarités yin et yang, entre les principes animus et anima, des systèmes solaires aux atomes… |
Sentiments amoureux et leurs aléas dramatiques, romantiques, émotionnels… |
Principe d’Amour inclusif et inconditionnel, à jamais serein et impersonnel Relativisation vis-à-vis de cette émotion égotique (seul l’égo peut vivre ce romantisme et ses aléas souffrants).
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Souffrances liées à la culpabilité | Conscience ouverte à la Loi des causes et conséquences ou loi du karma* : une cause est responsable de sa conséquence, mais jamais coupable pour autant[iii] Relativisation vis-à-vis de cette émotion égotique (seul l’égo peut ressentir de la culpabilité) |
Sentiment d’injustice |
Conscience de la justice universelle exprimant la loi karmique précédente. Relativisation vis-à-vis de cette émotion égotique (seul l’égo peut ressentir de l’injustice) |
Sentiment d’abandon |
Relativisation vis-à-vis de cette émotion égotique (seul l’égo peut vivre l’abandon). Prescience de la solitude ontologique des initiés et des maîtres (non souffrante pour eux) |
Deuils et souffrances associées |
Relativisation vis-à-vis de cette émotion égotique (seul l’égo peut vivre la souffrance du deuil). Principe de disparition des formes associée à Shiva en Inde par exemple. « Poussière, tu retourneras à la poussière… »[1] |
Pulsions de mort |
Idem. Sans dualité, pas de pédagogie, pas de stimuli pour affiner le libre-arbitre… |
Pulsions de vie | Principe de création des formes associé à Brahma en Inde par exemple ; aspiration à la sainteté |
Difficulté vis-à-vis des parents, de leur héritage |
Relativisation puisque c’est l’Ame qui choisit les parents à chaque incarnation[iv]. Filiation de l’Ame à sa Source céleste |
Conflits familiaux |
Idem. Conscientisation de la Trinité archétypale Père / Fils / St. Esprit ou Brahma / Vishnou / Shiva ou Osiris / Isis / Horus… |
Difficultés à oublier les offenses ou les fautes commises |
Relativisation car qui est effectivement offensé ? Loi de l’enregistrement éternel dans les annales akashiques |
Complexe d’infériorité |
Relativisation car qui développe et ressent ce complexe ? Positionnement dans la Hiérarchie spirituelle |
Complexe de supériorité | Idem |
Besoins de reconnaissances, d’honneurs |
Idem (car qui a besoin d’honneurs ?) Souvenir ou aspiration à la glorieuse vie spirituelle, à la conscience d’être le Soi |
Peurs et phobies |
Qui a peur ? Crainte de la Loi (Dharma*) ; crainte du Seigneur[2] ; parfois : conscience d’entités négatives |
TOC et manies rituelles |
Qui entretient ces comportements ? Rites associés aux enseignements spirituels |
Manies de l’hygiène |
Idem. Importance de la purification sur le Sentier spirituel |
Compulsions alimentaires |
Idem. Aspiration, soif de parfait, de lumière, de la manne céleste[3], de nectar… |
Comportement fusionnel à un parent, un enfant… | Nostalgie ou prescience de l’Amour inclusif universel |
Besoin de protection de ses enfants |
Protection spirituelle permanente accordée par les grands Êtres vis-à-vis des moins évolués. Prescience que l’humanité est une famille. |
Sens aigu de la pitié, sensiblerie émotionnelle | Compassion bouddhique |
Quête de sens, même obsessionnelle | Connaissance, accès à la Vérité suprême (Sat en Inde) |
Attrait pour la pleine conscience, pour la concentration mentale, la pensée vigilante (même névrotique) |
Conscience suprême (Chit en Inde ou plan de la Buddhi, pure conscience aimante). Appel supra-conscient sur la voie évolutive. |
Quête éperdue des plaisirs, du bonheur personnel |
Qui jouit ou non des plaisirs ? Joie inconditionnelle, félicité spirituelle (Ananda en Inde). Associée au \ ou AUM, la formule Sat-Chit-Ananda réalise la trinité spirituelle orientale ou les 3 aspects du divin. |
Enfants (ou non) qui posent sans cesse des questions | Quête de connaissance, aspiration (nostalgie, prescience) à la sagesse |
Vision obsessionnelle de « signes » un peu partout |
Conscience de la vie entant que tout animé, visible et invisible ; intuition du monde angélique… Prescience de la synchronicité. |
Attrait pour la télépathie | Télépathie comme seul moyen de communication entre initiés de hauts-grades ou Maîtres spirituel |
Attrait ou addiction pour l’alcool, les drogues |
(Nostalgie ou prescience de la) Félicité spirituelle, de la béatitude céleste.. Difficulté à assumer l’incarnation. |
Dépression, aboulie, vagotonie, hypersomnie, narcolepsie |
Difficulté à assumer l’incarnation. Nostalgie océanique du Bardo (espace-temps entre deux incarnations) ou de Pralaya (état de repos accessible après des vies de grandes épreuves initiatiques |
Maladie bipolaire | Analogie avec l’alternance de phases d’activité et de repos cosmique, rétraction / expansion, inspires et expires de Brahma… |
Sens aigu de la liberté personnelle, rejet des entraves | (Prescience, nostalgie de) la Liberté spirituelle une fois affranchie de tous ses véhicules. |
Attrait pour la magie | (Prescience, nostalgie de) la Puissance de l’Ame, la Magie spirituelle maîtrisée par les grandes êtres. |
Attrait pour les arts (comme créateur) | Prescience de l’Ame créatrice de formes-pensées harmonieuses |
Attrait pour les arts (recherche du beau autour de soi) | Nostalgie ou prescience du Beau issu des archétypes célestes |
Attrait pour la musique | Nostalgie ou prescience de la musique des sphères |
Attrait pour les sciences occultes ou ésotériques* (Kabbale, astrologie, alchimie, numérologie…) | (Prescience, nostalgie des) Initiations supérieures et accès aux connaissances correspondantes |
Attrait pour prendre le soleil à la plage | Mémoire nostalgique de la Lumière spirituelle ; prescience du soleil comme source de vie (Logos solaire) |
Schizophrénie, névrose schizoïde |
Conflit à l’incarnation (« oui-mais » typique). Aspiration (attachement) au monde éthéré spirituel, différent du monde des formes |
La liste n’est pas exhaustive et laisse un large champ de réflexion dès qu’on admet que notre vision, nos perceptions du réel sont effectivement déformées comme par un prisme optique, les voiles de Maya. Le lien avec la vie de l’Ame se fera simplement en posant l’hypothèse d’un souvenir, d’une imprégnation spirituelle, qui, une fois déformée, restera souffrante, comme amèrement nostalgique. D’autres fois, on pourra y décoder une forte aspiration, une prescience de la vie spirituelle, mais la démarche restant très humaine, on y souffre encore par le fait des maladresses et du poids de l’immaturité de l’égo… Courage et haut les cœurs sur le chemin !
[1] Genèse 3, 19
[2] 2 Cor. 5,11 et Job, 28, 28 par exemple
[3] Exode 16,35 ou Nombres 9,11
[i] Certains parleront des conséquences du péché originel, d’autres de mirages ou d’illusions, d’autres d’agrégats karmiques… mais in fine, il s’agit toujours de retrouver les messages de l’Ame dans leur authenticité, de se réconcilier avec le Soi.
[ii] Pour une vision simple et très pédagogique de cette allégorie : https://www.institut-pandore.com/philosophie/caverne-platon/
[iii] Pour un développement plus complet, voir Le pardon, coll. Les essentiels Daniel Kieffer, Jouvence 2019
[iv] En tous cas, à partir d’un certain niveau d’évolution spirituelle. Avant, le contexte de naissance est déterminé par nécessité karmique sans libre arbitre aucun. Peu à peu, on passe ainsi de la fatalité à la destinée puis à la Providence